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Les Enfants de Pen Bron, La Turballe

Récit d’un séjour à Pen-Bron et avis de recherche. (1)

 

 

 

 

 

 

Récit d’un séjour et avis de recherche

 

De nombreuses années après mon séjour dans le sanatorium de Pen-Bron, je suis désireux d’entretenir une relation par mèl ou téléphonique avec           d’anciens pensionnaires.

 

Si mon récit évoque en vous quelques souvenirs et que vous souhaitez échanger/partager, nous pourrions créer un groupe au sein du blog d’Emmanuel  "les enfants de Pen-Bron".Pour me joindre, voici mon adresse mèl :

guichar1948@gmail.com

 

Ce récit est basé, bien entendu, à partir de ma mémoire et des entretiens avec des membres de ma famille. Il peut y avoir des inexactitudes mais elles sont bien involontaires. Des noms et lieux sont modifiés.

 

Photo prise par les religieuses de Pen-Bron en mars 1955

 

 

 

Mon arrivée à Pen Bron

         C'est le 1er juin 1954 que la mairie de la Meilay prévenait ma tante Louise qu'une place était disponible au sanatorium marin de Pen Bron, près du Croisic. Pour ma famille, cette place vacante était une véritable opportunité car je pourrais ainsi bénéficier des meilleurs soins possibles et mon avenir s’annonçait, enfin, sous de meilleurs hospices. Pour ne pas me peiner et rendre mon départ plus facile, il n’a pas été question d’une longue séparation.  D’ailleurs, je suppose, que personne n’avait envisagé une absence de 30 mois. Issu d’un milieu simple, nous n’avions pas de voiture dans la famille. Tante Louise, très pratiquante, avait sollicité le curé de la Meilay pour l’aider à trouver un transport. Comme c’était un homme très bon, il a proposé ses services de"taximen" .

 

         En 1954, il y avait peut-être une voiture pour cinquante habitants. Dans notre milieu rural, ce mode de locomotion était encore moins présent. Pour se rendre de la Meilay à Pen Bron il y a plus de 280 kilomètres. Imaginons un peu l'aventure. Au minimum, il fallait quatre heures de route. Le confort des voitures et l’état des routes rendaient ce déplacement inconfortable. La distance à parcourir ne relevait pas de l’exploit, mais quand même, peu de personne faisait un aller/retour dans une même journée sur une telle distance. Avec le recul, j'imagine l'effervescence du moment (faire près de 600 kilomètres en une journée, dans une région inconnue et l'inquiétude des gens qui m'entouraient, et surtout celle de papa. Mon père, veuf depuis trois ans, allait se séparer en plus de l’un de ses enfants.

 

         Le curé, en contrepartie de sa participation a probablement reçu de la volaille de la part de tante Louise et un petit billet de banque de la part de papa.

 

De ce voyage en direction de Pen-Bron, j’ai toujours gardé un souvenir particulier : celui du petit pont de pierre situé seulement à quelques kilomètres de Pen-Bron. Photo ci-dessous (2014).

 

 

 

         Le sanatorium marin de Pen Bron est un très grand bâtiment situé face à la mer et ne regroupant, pour ce que j'en ai vu à l’époque, que des enfants. Je n’ai pas souvenir d’y avoir croisé des filles. Cet établissement était tenu par des religieuses de la congrégation de St Vincent de Paul  (les Filles de la Charité) et des femmes de service. Le corps médical était plutôt restreint car je n’y ai vu qu'un seul médecin : le Dr Bureau puis le Dr Buet. J'ai appris en 1993 par le Dr Mussini de Nantes que le Dr Bureau était médecin prothésiste.

 

Sur le plan médical

 

         Lorsque j'ai été admis à Pen-Bron, aucun diagnostic de maladie musculaire n'avait été posé. Je crois, mais rien n'est sûr, que seul le Dr Mingen de Gésou avait avancé l’’hypothèse d’un souci neuromusculaire. Il faut dire qu’à cette époque les médecins spécialistes étaient rares et éloignés de ma commune. Les seuls avis que nous recevions étaient ceux du médecin de famille.

 

          Le règlement de Pen Bron était strict. J'ai dans mes archives une note dactylographiée qui précise que les visites familiales doivent être exceptionnelles et quelles étaient interdites pour les enfants de moins de 14 ans. S'agissant d'un sanatorium, cette mesure peut se comprendre. Là où je ne comprends plus, c'est la raison pour laquelle je me trouvais dans ce sanatorium alors que je n'avais pas de problème respiratoire. Peut-être qu'étant "malingre", j'ai été assimilé à un tuberculeux. Une autre théorie : le grand air marin pour prendre du poids et des forces ? D'autre part, à cette époque, à part les hôpitaux, les lieux d'accueil manquaient. La Nation reconstruisait son après guerre.

 

         Autant que je m'en souvienne et selon quelques archives, le suivi thérapeutique se limitait à plusieurs visites médicales par an qui comprenaient, notamment, la pesée. Je suis entré pesant moins de 16 kilos à 6 ½ ans. Au cours de la même année, j'ai eu les deux jambes plâtrées pendant quelques semaines (ou mois). Une fois les plâtres enlevés, une personne du sanatorium me les remettait chaque soir pour la nuit. Les deux parties du plâtre étaient tenues ensemble par une bande. Ces plâtres, lourds, m'empêchaient de me tourner pour changer de position dans mon lit. Je n'ai jamais aimé dormir sur le dos. Je ne pouvais pas m'asseoir dans le lit, par manque de force, pour enlever les bandes qui retenaient les plâtres. Alors, à force de remuer mes jambes, je réussissais à donner du mou aux bandages et à plier un peu les genoux et, même parfois, à me tourner. Bien sûr je me faisais gronder (doux euphémisme) le matin. Mais rien n'y faisait.

         J'ai été également opéré des amygdales. L'anesthésie se faisait avec le masque à éther (appelé également masque à gaz). Cette anesthésie, je la garde en mémoire comme si cela s'était passé hier. La pièce était juste éclairée par le genre de lampe qui existe dans les blocs opératoires. Il y avait le chirurgien et une religieuse qui faisait fonction d'infirmière. Assis sur une chaise, j'ai été ligoté avec des bandelettes afin d'immobiliser jambes et bras. Ensuite, il y eut l'application du masque dans lequel  l'éther avait été répandu. Ma dernière vision fut celle du Crucifix qui était fixé au mur. Il n’est pas descendu pour m’apporter soutien et réconfort. J’étais seul, bien seul, tristement seul.

 

         Au milieu des années cinquante, la société commençait, tout juste, à prendre en compte la psychologie et l’intérêt de l’enfant. L’enfant, surtout en collectivité, se trouvait brutalement face à une situation que les adultes ne prenaient pas la précaution d’expliquer. Le gosse doit gérer seul son angoisse et suivre les instructions sans discuter

 

         Je crois que les éléments positifs de mon séjour au sanatorium sont la gymnastique et la scolarisation. Les débuts en gymnastique furent particulièrement pénibles. J'en ai fait en groupe et individuellement. Cela se passait dans le sous-sol, plutôt lugubre et froid. Je me revois encore traînant avec moi un tapis de mousse rouge très peu épais. J'ai beaucoup souffert car le maître de séance était une femme d'un âge déjà certain, qui ne souriait pas, qui n'encourageait pas, qui parlait très sèchement d’une voix énervée. Je me souviens des difficultés à ne pas pouvoir réaliser les postures demandées et des remontrances que me criait cette femme. Un jour, dans ce sous-sol, alors que j'étais seul en séance de gymnastique (on ne disait pas encore couramment : rééducation) elle était en grande conversation avec un ouvrier (c'était un ouvrier car il était habillé d'une cote bleue). Ils parlaient probablement de mon handicap. Au bout d'un moment, le monsieur m'a demandé de me pencher en avant. Je n'ai pas du m'exécuter avec enthousiasme, puisque à un moment donné il a sorti de sa poche quelques pièces, de la petites monnaies, qu'il a jeté à terre en me disant : " tu ramasses : c'est pour toi". Là, je me suis  exécuté avec engouement.  J'étais très heureux car, j'avais de l'argent. Mon premier argent. J'étais fou de joie. En cachette, j’ai montré aux autres enfants ma fortune.

         Plus tard, bien des années après, je me suis rendu compte que je m'étais humilié à ramasser quelques pièces. Le but était probablement

de tester ma sincérité dans l’exécution de l’exercice.

 

         J'ai longtemps gardé ces pièces car, ainsi, j'étais le  plus riche de la chambrée puisque j'étais le seul à avoir de l'argent et que je n'avais pas la possibilité de le dépenser. Je crois que ces pièces ont finies dans la poche d'une religieuse, car il était mal vu en ces temps qu'un enfant puisse avoir de l'argent personnel.

 

         Par la suite, mes séances de rééducation ne se dérouleront plus pareillement, elles étaient beaucoup plus agréables car un changement est intervenu. En effet, je me suis retrouvé avec une "Dame", probablement une jeune fille, plus jolie que l’autre marâtre. Je faisais du tricycle sur les trottoirs autour des bâtiments a côté de la "Dame" qui conversait avec moi. Je crois que j'avais trouvé une maman de substitution et j'étais fier d'être seul avec elle à faire une balade comme n'importe quel enfant se promenant avec sa mère. De mes yeux d’enfant, je trouvais cette "maman" très belle et douce.

 

La visite familiale

 

         Comme je le dis au début du paragraphe de Pen Bron, les visites familiales étaient déconseillées afin de ne pas créer la psychose du retour à la maison, le fameux spleen.

 

         Une visite familiale, pour l’ensemble des enfants, est programmée. Le déplacement familial qui doit se situer dans le courant de l'été 1955 s'est effectué dans un petit car pouvant transporter une dizaine de personnes. Il y avait papa, Paul mon frère aîné, ma marraine tante Irène et d'autres oncles et tantes. Pas d'enfants trop jeunes. Il parait qu'au cours de cette journée j’ai souvent demandé des nouvelles de ma petite sœur en demandant «elle est grande comment ma petite sœur ? ». Plus tard, ma tante Irène, racontera souvent cet épisode « migratoire » et longtemps ce voyage demeurera dans les mémoires, surtout au niveau du spectacle joué en direct. Inévitablement, cette journée fut entrecoupée d'une messe dans la chapelle du centre, ce qui supprimait déjà du temps aux joies familiales des retrouvailles et l'après-midi il y eut un spectacle grandiose de plein air : "la belle au bois dormant" avec de véritables cavaliers. Bref, cette journée était organisée pour une rencontre enfants/parents, mais le programme de la journée ne laissait pas beaucoup de temps à l’'intimité familiale. Déjà que le trajet s'effectuait dans la journée et compte tenu de la distance, la journée était déjà bien raccourcie.

 

         Je n'ai pas pleuré au moment du départ de ma famille. La dure vie à Pen-Bron apprenait la dissimulation des sentiments.

 

Mes lettres à la famille

 

         Nous n'étions ni heureux ni vraiment malheureux. La discipline était très dure et il ne fallait pas, bien entendu, que ce mal-être puisse être connu de nos familles. Alors, régulièrement, les quinze à vingt enfants de la chambrée,  nous nous installions autour d'une grande table située au milieu de la chambre, et là, comme une maîtresse d'école, une religieuse nous dictait une lettre "personnalisée" qui ne laissait bien sûr que supposer notre bonheur d'être parmi les religieuses, d'aller à l'école, à la messe et de voir quelques films. La réalité était bien souvent différente, et j'en parlerai plus loin. Nos lettres, écrites au crayon de bois, étaient complétées par une religieuse. Toutes les lettres étaient adressées à ma tante Irène, et j'ai pu en retrouver une bonne vingtaine.

 

         Je constate que :

         - dans mes lettres, je m'adressais de moins en moins à mon père au profit de ma tante,

         - les termes de mes courriers étaient "convenus" et redondants,

         - j'insistais régulièrement sur mon "bonheur", preuve de la censure,

         - Je suis surpris de voir qu'il est constamment question de mes progrès physiques alors que, plus tard, je serai de retour dans ma famille pour "y finir mes jours" car, pour eux, mes jours étaient comptés à brève échéance.

 

         Par contre, c'est avec émotion que je retrouve mon écriture d'enfant.

 

 

 

 

         Je retranscris quelques courriers.

 

Noël 1954   Cher papa et chère tante

 

                 C'est votre petit Charles qui vous écrit ce petit mot pour vous faire plaisir. J'espère que vous êtes en bonne santé. Je vais bien.

                 Je vous souhaite un joyeux Noël espérant bien être près de vous  pour Noël prochain.

                 Votre Charles qui vous envoie de gros baisers.

 

                                                        Charles

 

Complément d'une religieuse

                          Avec votre petit Charles je viens vous souhaiter un joyeux Noël. Il a demandé au petit Jésus un tracteur ou une auto à clé. Merci pour les chaussures ça va bien.

 

 

le 1er février 1955

                 Chère tante,

                 C'est avec beaucoup de plaisir que je viens te donner de mes nouvelles qui sont bonnes. J'espère que tu es en bonne santé ainsi que papa et que malgré le froid vous n'êtes pas grippé mais sœur Louise a été fatiguée la semaine dernière. Elle va bien maintenant. Jeudi nous avons défait la crèche et l'après midi nous sommes allé à un concert donné par une dame et un monsieur. Cela nous a intéressés. Ce matin sœur Louise nous a coupé les cheveux. Nous allons passer la visite du docteur Buet. Je vais te quitter pour aujourd'hui en t'embrassant affectueusement.

 

  Complément d'une religieuse

                                                 Je joins à la lettre de Charles le bulletin de la visite du Dr Buet. Charles va aussi bien que possible mais je suis dans l'obligation maintenant de lui donner un régime spécial car il faut éviter qu'il ne prenne encore du poids ce qui pourrait lui nuire pour son traitement, les muscles doivent beaucoup travailler et ils sont entourés de graisse. Donc ne vous étonnez pas si la prochaine fois il n'a pas grossi ce sera voulu par nous pour lui faciliter la gymnastique maintenant que l'état général est bon.

                          D'autre part, je crois que Charles pourra bientôt être admis à la communion privée. Je pense le préparer pour Pâques si Mr l'aumônier est d'accord. Si vous aviez une autre date de préférence dites le moi bien simplement et j'en parlerai à Mr l'aumônier.

                          Je vous assure de mon religieux souvenir. - Sœur Louise

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A
etant une amie de longue date d Emmanuel je me suis permise de lire votre expérience a PEN BRON Votre récit est poignant aussi et je vois que certains de vous tous qui avez connu ce lieu ne pourrez jamais l oublier Et felicitation de continuer de le faire vicre au travers de vos recits malgre malheureusement sa fermeture
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