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Les Enfants de Pen Bron, La Turballe

Souvenirs d'avant la maladie

Entre les deux rendez-vous à l’hôpital bien des choses se sont déroulées. Dire que j’ai le souvenir de tout, non, ce serait exagéré. Il y a de cela plus de 35 ans, mais j’ai quand même encore en mémoire énormément de souvenirs, comme vous avez pu le lire jusqu’à maintenant. Mais j’étais qui avant cette maladie, quel enfant je pouvais être, ça, je ne vous en ai encore jamais parlé, juste un peu, mais voilà, il y a aussi toute une histoire.

Peut-être que cette maladie, j’aurais pu l’éviter à quelques années prés. Je suis sûr que si une femme n’était pas disparue emportée par un arrêt cardiaque, ma vie aurait été bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui.

Cette femme est ma grand-mère. Je crois qu’entre ma naissance et le jour où elle a disparu j’aurai passé plus de temps dans ses jupons que dans les bras de ma mère. D’ailleurs, à l’école on ne m’appelait que par le nom de famille de ma grand-mère.

J’avais mon nom, mais on me donnait toujours celui de ma grand-mère. Elle était toujours là à m’emmener à l’école maternelle, à me garder, et Dieu sait qu’elle en a gardé, des enfants, oui, entre les douze enfants qu’elle a eus, les enfants qu’elle gardait et moi, il y en a eu des enfants élevés par cette femme… Et si au moment où j’écris ces lignes toutes les mamans avaient été comme ma grand-mère, il y aurait moins de problèmes de jeunes traînant dans les rues qu’il y a maintenant, et certainement beaucoup plus polis qu’à l’époque où nous vivons.

Que de doux souvenirs ! Oui, même le les fessées ne sont que de bons souvenirs… données par ma grand-mère, ce n’étaient que méritées, elle avait le cœur sur la main et rarement la main à la fessée, mais cela arrivait, bien sûr…

Je me souviens des matins où, ne dormant pas chez mes parents, j’étais levé de bonne heure, pour assis derrière la mobylette de ma mère j’allais rue du pont Perrin dans la toute petite maison rejoindre le lit que ma grand-mère avait quittée peu de temps avant. Je m’installais dans son lit juste à sa place encore chaude, elle rabattait le dessus de lit bien épais sur moi et j’aimais m’endormir là, à sa place…

Sa chambre avait juste la place d’un lit et un tout petit espace pour circuler. Pas de porte pour séparer la cuisine de la chambre. Alors je la regardais travailler dans la cuisine le temps que mes yeux se referment, et je m’endormais encore un peu là où pour moi c’était ma maison.

A l’époque pas de possibilité de tout laver à la maison et on allait laver les draps à la rivière, au lavoir, un endroit situé pas très loin. Juste au bout de la rue on passait sous le porche, on tournait à gauche, nous passions sous le pont et là, un petit déversoir juste après le lavoir.

Ma grand-mère avait fait bouillir les draps dans une grande lessiveuse, et ensuite, direction – la rivière. Installée dans un tonneau au ras de l’eau une planche où elle posait son drap et un savon, un grand battoir et là, encore une fois le modernisme a fait de grands pas pour les femmes. Elle en abattait du travail, elle restait chez elle, mais quel travail ! – entre les repas, la lessive, le ménage, le repassage, et j’en oublie beaucoup encore… J’étais heureux avec elle, j’ai toujours son visage en moi et je l’aurai, je crois, toute ma vie. Je me souviens encore du son de sa voix d’une femme que l’on ne peut oublier, ni de l’amour qu’elle m’a donné, offert les quelques temps que j’ai eue avec moi, et en moi je garderai toujours la douceur de la femme qu’elle était…

Puis un beau matin, dernier jour d’école, ma grand-mère assise sur le rebord du lit ne se sent pas bien, elle dit à ma tante Christine, puis d’un coup s’écroule sur son lit, là, devant nous, dans la largeur du lit. Ma grand-mère est là ne bougeant plus… Ma tante se précipite sur elle, prend les comprimés qu’elle a pour le cœur, essaie de lui glisser entre les dents, lui fait du bouche-à-bouche, la masse…

On me demande de partir à l’école, j’entends au loin les pompiers qui arrivent pendant que je pars à l’école. Mon maître me rassurera en me disant que tout irait bien ce soir en rentrant, mais je suis très triste, je passe ma journée à attendre de retourner chez moi, vite, savoir comment elle va…

Puis la fin de la journée approche, et là, à la porte mes parents qui viennent me récupérer. Je ne comprends pas, je les vois parler avec mon maître, et là il m’appelle, et je pars…

La devant la mairie de Deols, le frère de mon père m’emmène avec lui, direction – une semaine de vacances chez lui à Cluis. Je demande des nouvelles, on me dit que tout va bien et je monte en voiture.

Je passerai une semaine de vacances formidable avec mon cousin et ma cousine à rire, à manger des crêpes, à visiter un château en ruines, je serai un enfant heureux pendant une semaine.

Puis on frappe à la porte, je vois ma mère et mon oncle Guy. Mon père n’est pas là, et d’un coup je repense à ma grand-mère, je demande tout de suite de ses nouvelles, et là ma mère me dira que ma grand-mère est montée au ciel, qu’elle est morte, que je ne la reverrais jamais…

Moi, qui étais là, j’ai passé une semaine à jouer, à rire, alors que ma grand-mère était partie loin de moi, loin de nous…

Je n’ai pas pu lui dire au revoir, ni assister à son enterrement, et je m’en veux même encore maintenant, même tant d’années après je m’en veux de ne pas avoir été là.

Je découvrirai la tombe de ma grand-mère mise en terre en attendant que sa tombe soit terminée. J’ai eu beaucoup de peine de la perdre, et j’ai encore au fond de moi sa présence, et je suis sûr que si elle avait toujours été vivante, elle aurait vite vue que j’avais un souci… elle prenait toujours soin de moi, c’était ma vraie maman, celle qui m’a donné le plus d’amour et de tendresse.

Un aparté dans ma vie d’enfant malade, mais je crois toujours malade d’avoir perdu la femme qu’elle était… Je voulais juste partager ce moment avec vous, vous dire qu’il est important de pouvoir dire que c’était la femme de ma vie, celle qui vous donne tout ce qu’elle a.

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