1 Décembre 2013
Comprendre son médecin, c’est vital. Mais qui pense à la surdité dans l’accès aux soins ? C’était l’objet d’une journée de débat autour de ce handicap.
L'histoire que raconte Gérard François est édifiante. « J'étais allé voir un médecin à Orléans, ville où j'arrivais juste. Le rendez-vous avait été pris pour moi par la secrétaire du FJT où je logeais. »
Le temps passe, la salle d'attente se vide peu à peu, des gens arrivés après Gérard François passent avant lui… Et voilà qu'il finit
par se retrouver vraiment tout seul. « Je prends mon courage à deux mains, et je vais frapper à la porte du médecin : il avait déjà enlevé sa blouse et s'apprêtait à
partir ! »
C'est par le biais d'un micro et de haut-parleurs dans sa salle d'attente que ce praticien appelait les patients. Gérard François
n'avait pas, et pour cause puisqu'il est sourd, entendu l'appel de son nom… « Il était très gêné » se souvient l'ancien enseignant en LSF (langue des signes
française).
Depuis, ce médecin a peut-être imaginé une autre manière d'appeler ses patients, valable pour tous. Il serait alors un des rares
professionnels de santé de la région Centre à avoir su prendre en compte ce handicap, invisible, auquel on pense rarement en termes d'accessibilité.
" Préserver le droit à choisir son médecin "
Pourtant, il y a énormément à faire dans ce domaine, comme l'a démontré la journée régionale organisée par l'APIRJSO (*) le
21 novembre dernier à Vineuil. « On a voulu poser cette question de l'accès aux soins pour les personnes sourdes, parce que la santé c'est primordial, explique Philippe Balin,
le directeur de l'APIRJSO, avec pour objectif de déclencher une prise de conscience. C'est valable pour les professionnels de santé, mais aussi pour les institutions et les
financeurs. » Parmi les précurseurs, la région Nord Pas-de-Calais qui a développé depuis 2002 le réseau Sourd et Santé. « Le principe est celui d'un accueil adapté, qui
permet d'orienter les patients et de proposer un accompagnement, par exemple avec un interprète en LSF, en leur laissant un droit fondamental de citoyen, celui de choisir librement leur
médecin », témoigne le Dr Benoît Drion, coordinateur du réseau, qui " signe " couramment.
Les axes de travail sont légion : sensibiliser les professionnels de santé, inciter des étudiants (infirmiers, médecins, etc) à
se former en LSF, développer l'accès aux interprètes avec des financements adéquats…
En région Centre, tout reste à faire. Une journée comme celle du 21 novembre, qui a rassemblé un public nombreux et concerné,
permet de bien s'en convaincre. Et d'espérer trouver les ressources pour agir.
(*) Association inter-régionale pour personnes sourdes et malentendantes.
le chiffre
8.000
C'est en euros, le coût du poste « traduction » de la journée organisée par l'APIRJSO. Trois systèmes
différents avaient été mis en place : des interprètes en LSF, se relayant régulièrement, une traduction en vélotypie (transcription écrite simultanée, projetée sur écran), et une boucle
magnétique faisant effet d'un casque audio pour certaines personnes appareillées.
« On ne peut évidemment pas faire l'économie de ces traductions, explique Mélanie Laurent, chargée de communication de
l'APIRJSO, mais c'est une charge supplémentaire que nous devons supporter et pour laquelle nous n'avons aucune aide. C'est la même chose à chaque fois que nous organisons un colloque, un
séminaire de travail, etc. » Un investissement qui pourrait être un frein aux initiatives comme cette journée sur l'accès aux soins, si l'association ne s'en faisait pas aussi un devoir
militant.